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Devenir faiseur de pluie

Devenir aujourd’hui un faiseur de pluie, retrouver le rôle fondamental de l’être humain

Dans son introduction au Yi King, Carl Gustav Jung rapporte un témoignage de son ami sinologue Richard Wilhelm : la région de Chine où il séjournait fut frappée d’une sécheresse catastrophique. Au comble du désespoir, les chinois firent appel aux services «paranormaux» d’un faiseur de pluie, un vieil homme émacié qui ne souhaita qu’une chose pour accomplir son office : qu’on mette à sa disposition une maison isolée et tranquille. Il s’y enferma trois jours, et le quatrième, les nuages se firent denses, et il y eut une forte chute de neige, en grande quantité, dans une saison qui n’était pas pourtant celle de la neige. 

Émerveillé et fortement impressionné, Richard Wilhelm demanda au vieil homme comment il avait ‘‘fait’’ la neige. Celui-ci lui répondit contre toute attente qu’il n’en était pas responsable. Il avait simplement constaté que le pays tout entier était en désordre intérieur et qu’il se retrouvait dès lors lui-même affecté par ce désordre. ‘‘Aussi la seule chose que j’avais à faire était d’attendre trois jours jusqu’à ce que je me retrouve en Tao, et alors, naturellement, le Tao fit la neige’’. C-G Jung

Pour Jung, cette histoire qu’il nous narre n’est pas une jolie fable, mais un fait réel dont son ami sinologue Richard Wilhelm a été le témoin objectif dans une Chine encore traditionnelle du début du XXème siècle. Ceci malgré le fait que notre science rationnelle occidentale ne puisse rien comprendre à ce fait. Cette histoire fait à ses yeux toute son importance au point qu’il conseillait toujours à ses élèves de commencer par son récit lorsqu’ils devaient faire des conférences pour présenter la voie des profondeurs. Jung y découvre en effet un témoignage saisissant de la synchronicité qu’il définit comme une relation a-causale entre des phénomènes qui n’appartiennent pas au même registre du réel.

Le faiseur de pluie – figure haute en couleur de la Chine taoïste traditionnelle que la chape de plomb rationaliste du maoïsme a fait totalement disparaître – vit manifestement l’Univers (y compris dans sa réalité physique) comme un ‘‘unus mundus’’, comme disent les alchimistes, c’est-à-dire comme un monde UN. Il y a un seul monde. Tous les registres du réel sont en synchronicité, c’est-à-dire les uns AVEC les autres ; la sécheresse, qui est un état physique de la matière, AVEC le désordre du pays, qui ici est manifestement pour le faiseur de pluie un état psychique.

Le Tao est en effet fondamentalement le principe de l’Avec selon la pensée chinoise : il est le Yin, le féminin, avec le Yang, masculin ; le Yang avec le Yin. Toutes les relations sont harmonieuses lorsque les deux énergies féminine et masculine sont dans l’Avec, en communion. Le Tao est analogue à la notion jungienne du Soi, conjonction du féminin et du masculin, centre de l’être à partir duquel tout se réunit et s’harmonise. Notre civilisation moderniste occidentale qui sépare radicalement les registres extérieur et intérieur, la matière et la psyché, ne peut tout simplement pas penser ce principe. Et dès lors celui-ci ne peut lui apparaître dans son opérationnalité.

Lorsque le terrible tsunami est venu frapper l’Asie en décembre 2004, le moins que l’on puisse dire est que les discours occidentaux n’ont pu spontanément l’associer à un désordre dans le psychisme de nos contemporains. Certes, on a pu très vite comprendre qu’il existait un rapport physique de cause à effet entre ce phénomène naturel et le réchauffement climatique de la planète, et reconnaître que celui-ci est lui-même l’effet écologique désastreux du développement économique exponentiel du capitalisme mondialisé.

Mais la science occidentale répugnerait à lier cet événement avec le désordre psychique qui affecterait l’humanité, car la psyché relève d’un autre registre du réel que celui de l’écologie. Le logos scientifique occidental ne peut en effet approcher le réel que sur le mode d’un principe de causalité linéaire selon lequel un phénomène serait toujours mécaniquement produit par un enchaînement d’autres qui sont tous sur le même registre que lui : dans l’exemple choisi le registre est écologique, concerne la façon dont la «matière» en quelque sorte écologique de la Terre est affectée.

‘‘Comment avez-vous produit la neige ?’’, demande ainsi Richard Wilhelm en bon européen causaliste ! Le Chinois répond qu’il ne peut pas être responsable de la neige, mais seulement de l’ordre qui existe à l’intérieur de lui-même : si, dans un univers en désordre, je me mets en ordre à l’intérieur de moi (en me centrant sur le Tao, le Soi), synchronistiquement, c’est-à-dire sans lien causal, cela peut favoriser l’émergence d’un ordre harmonieux dans ma réalité extérieure.

Entendons bien ce que signifie «sans lien causal» : quoique je fasse, je ne suis pas maître de cette évolution ; ce n’est pas moi qui la produit, qui la contrôle ou qui peut la programmer. Elle est le fait du Tout Autre, du Tao qui lui seul, pour ainsi dire, sait le chemin que je dois suivre pour approcher de l’harmonisation de toute chose.

Une Continuité Organique

Peut-être que aujourd’hui on peut s’inspirer de ce récit du faiseur de pluie dans le contexte de la crise systémique que nous traversons ? Le pari de ces groupes de travail est de repenser cette continuité organique entre l’intérieur et l’extérieur. De la même manière que le monde extérieur reflète nos états intérieurs, la transformation de notre vision influence notre milieu d’évolution. Aujourd’hui, celles-ci sont la plupart du temps apportée par le monde extérieur, notre mental fonctionne majoritairement sur des pensées conceptuelles qui nous ont été inculquées, mais qui ne nous ont pas littéralement habitées en tant que prise de conscience avec le réel. Et si « penser de manière juste et consciente » aujourd’hui nécessitait de repenser ensemble, en redonnant un espace intérieur en chacun de nous pour sentir si celles-ci résonnent harmonieusement et concrètement avec notre intériorité ? Il me semble que ce n’est que quand nous avons expérimenté, pris conscience réellement à travers notre monde intérieur d’une information et de son sens profond, que notre vision se transforme en action réparatrice et aimante. En évoquant ce récit sur son blog – Fabulo – La Licorne écrit ceci :
« Ne serait-il pas temps de se demander si les désordres climatiques extérieurs ne sont pas le parfait reflet de nos désordres « intérieurs » ? Ne serait-il pas temps de se pencher sur notre « pollution psychique »…? Cette pollution « intérieure » de préjugés, de pensées négatives, d’à priori, de pensées conceptuelles et bien souvent vide n’est-elle pas celle qui, réellement, fait grimper la « température mondiale », au sens propre comme au sens figuré, et n’est-elle pas aussi en rapport direct avec toutes sortes de « catastrophes » humaines et écologiques ? »

Cette histoire n’a évidemment pas pour but de nous faire interpréter le récit du faiseur de pluie comme l’apologie d’une régression vers une pensée magique qui donne à l’individu – inspiré par une toute puissance infantile – l’illusion d’un pouvoir total sur son environnement. Dans ce récit ce n’est pas l’individu qui agit : mais par contre l’idée de pouvoir par une dynamique interne accéder à une vision globale et organique qui ensuite pourrait transformer notre milieu en remettant tous les éléments du puzzle informationnel à leur place. Cette intelligence relationnelle, au cœur de toutes les grandes traditions, est une pensée organique qui complète et dépasse le mécanisme abstrait de la causalité pour faire émerger une vision globale et opérationnelle.

La crise actuelle nous met peut-être en face de nos errements et de nos erreurs, de notre démesure comme de nos limitations, pour nous apprendre à les dépasser à travers un saut qualitatif.

Devenir aujourd’hui un faiseur de pluie, c’est peut-être retrouver le rôle fondamental de l’être humain, celui de lien vivant et vibrant entre terre et ciel, matière et esprit, en passant d’une conscience rationnelle à une conscience opérationnelle qui agit de l’intérieur sur son milieu par la puissance créatrice de son intention et de sa vision.

 

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