Michael Kaufman est un des leaders mondiaux de l’égalité des genres. L’an passé il a publié un livre « Le temps est venu » (« The Time has Come» pas encore traduit en français) qui pose un certain nombre de vérités fondamentales pour avancer le débat sur cette question urgente.
Il écrit entre autres que « le féminisme est le plus grand don que les hommes aient jamais reçu.» Si les hommes devaient voir le monde avec les yeux d’une femme, voici ce qu’ils observeraient note l’auteur.
Des écarts persistants de revenus, la concentration des femmes dans les activités les moins payées, les barrières encore très réelles à l’avancement des femmes dans le monde des affaires, la double dose de discrimination dont font face les femmes à cause et de leur race et dans la plupart des religions et notamment la plus grande Eglise dans le monde chrétien. Le rôle encore très minoritaire des femmes dans les postes politiques élevés et la justice. Ajoutons la violence sexuelle, physique et émotionnelle dont tant de femmes font l’expérience, la concentration du travail domestique et d’éducation des enfants chez les femmes même quand les deux partenaires ont une occupation professionnelle. Et les hommes qui continuent à utiliser leur force de frappe politique et religieuse pour limiter l’accès des femmes au planning familial et à l’avortement.
(J’ai connu comme responsable d’une vaste enquête démographique en Afrique du Nord le cas d’une femme qui a eu dix grossesses successives sans voir ses règles et une qui en a eu …23 !)
Et c’est là une liste ultra brève!
Kaufmann ajoute que la transformation du rôle de père sera le facteur déterminant. Il pense que « rien ne jouera un plus grand rôle de transformation pour promouvoir l’égalité des genres que pour les hommes de faire la moitié des tâches ménagères et d’éducation des enfants. »
Mais, j’ajoute, cela va encore beaucoup plus loin: la destruction de l’environnement est avant tout due à une mentalité de «chosification» du réel par les hommes (= transformation de tout dans sa dimension utilitaire, donc potentiellement de consommation), et jamais on a vu une guerre initiée par des femmes.
Une des forces de la vision de Kaufmann est qu’il comprend vraiment l’importance fondamentale du féminisme comme un des moments forts de l’histoire humaine. Il va jusqu’à dire que l’émergence du mouvement féministe pour atteindre la justice de genre et les droits des femmes dans tous les domaines « représente le changement le plus plus fondamental, rapide et étendu de l’histoire humaine. » (Rien que cela !) Et il note comment un mouvement minuscule et marginal d’une petite minorité de femmes (et, j’ajouterais, dès le départ la proie des moqueries et à l’occasion même de la répression physique des hommes) est devenu un mouvement qui englobe le monde entier.
Mais notre vision doit aller bien au-delà de la simple égalité de genre pour inclure la libération de la société elle-même de 8000 ans de structures patriarcales qui ont non seulement nuit aux femmes mais aussi guindé les hommes dans le rôle étriqué et parfois grotesque de petits sergents majors qui veulent tout diriger – et trop souvent à la trique.
Pour conclure, je voudrais me permettre d’avancer que tout homme qui se respecte aujourd’hui se doit d’être féministe, non comme héritier des premières suffragettes, mais comme représentant d’une race d’hommes qui a compris qu’aujourd’hui une véritable masculinité vise à exprimer toutes les qualités dites féminines qui ne sont en fait que des qualités que chaque homme (« vir « en latin, d’ où le mot viril ) ne peut que vouloir exprimer pour être pleinement humain (« Mensch » en allemand).
Et pour conclure, citons encore Kaufmann qui écrit: « Vous et moi sommes parmi les générations privilégiées qui non seulement sont témoins du changement le plus massif de l’histoire humaine mais ont le privilège d’y participer. C’est une transformation dont vos descendants parleront encore dans mille ans. »(Souligné par nous)
Dont acte!
Pierre Pradervand
